Une dépouille...?!

On a tendance à dire que la curiosité est un vilain défaut, parce qu'il conduit à s'introduire là où il ne faut pas, obtenir des informations alors que l'on n'a pas été autorisé à les avoir. Tenter de pénétrer des lieux reconnus comme dangereux ou interdit, mais nourrit par une impatience maladive, s'y jeter au péril de sa vie.

Mathilda était malheureusement emprunt d'une très -trop- grande curiosité n'ayant pas pris l'occasion de réfléchir plus sérieusement à ses actes. Il faut néanmoins reconnaître que ses tentations pouvaient être louables, elle qui s'exclamait avec stupéfaction que les éveillés n'étaient pas si attachés à connaître la réalité du grand effondrement. Comprenant que Hautemaisons était la communauté la plus avancée technologiquement et proche de la philosophie de la Lumière, ses recherches ne devaient pas s'étendre davantage de ce côté. Elle justifiait son choix après avoir discuté avec les gardiennes de la Tour mais également quelques grandes figures de ce monde. (Emiade et Rune)

Alors, où pouvait-elle obtenir des réponses ? C'est en se baladant dans la bibliothèque de la Tour qu'elle commençait à connaître sans se douter de l'immensité du savoir, les différents traités de la cosmologie. Ces livres résumaient les grandes forces de ce monde. Elle apprenait notamment que le Vide était la face de la Lumière, deux forces essentielles entre elles mais qui s'opposent dans un fracas de puissance inimaginable. Le Vide, cette drôle de manière de qualifier aussi ce qui appartient à l'Ombre, Mathilda l'avait entendu des mots de Emiade qui suspectait que la grande absorption puisse venir de là. Voici une piste pour ses recherches.

- Explication sur la mort de Mathilda

Elle s'empressa de repartir au défilé et rejoindre l'Ombre. Elle écouta naïvement ces drôles de personnage qui lui récompensaient de ses méfaits par des pouvoirs et des demi-promesses. Évaluant la jeune femme, Mathilda était trop obnubilé par ses recherches qu'elle ne fit pas attention aux conséquences de ses actes. Elle rechercha par tous les moyens des pouvoirs de l'ombre, mais maintenant qu'elle était imprégnée de cette magie de l'ombre qui sans le savoir susciter l’agressivité des gardiens de lumière qui rôdent autour des faubourgs de la Tour. Et c'est ainsi que la jeune femme trouva la mort, certes bêtement, mais surement. Alors qu'elle partait en direction du marais, 3 gardiens de lumière attaquèrent Mathilda qui tomba dans la souffrance incapable de faire quoique se soit. Sans doute trop faible pour s'opposer ou s'enfuir.

Damoclès, comme à son habitude, une fois ses besognes terminées, se recueille dans la maison de l'Ombre caché non loin de la Tour. Il a ses routines depuis de longues lunes maintenant. Il a besoin de résidus ténébreux pour ses futures expériences mais également des reliques de lumière. Il lui arrive d’agresser avec une violence inouïe ces créatures de lumière pour en récolter l'essence, lui qui déteste tant la Lumière qui avait été incapable de lui sauver sa propre vie. Le Défilé, bien qu'observé par les gardiennes de la Tour, demeure désolé et isolé. Il agit toujours avec discrétion mais ne se gêne pas d'agresser ce qu'il trouve. Ainsi, autour de la Tour, après avoir tué des gardiens d'ombre, il trouva sur son chemin la dépouille d'une jeune femme. A vrai dire, il est difficile de ne pas la voir, ni la rater. Elle était déposée, intacte, sur le chemin entre la crypte et l'entrée de la Tour. Un sentier emprunté par les habitués de cette région, dont il ne fait aucun doute que Damoclès l'est.

Comme personne ne se souciait de ce cadavre, il le prit et l'emporta à Achérus qu'il prit soin de déposer dans un cercueil dans l'aile givrée de l'antique cité afin de conserver le corps.  

Quelle amère sanction que la vie lui avait faite. Revenir pour l'éternité dans la crypte dans l'ignorance de tous les vivants, cachée de la civilisation et abandonnant tout espoir d'un futur prospère. Pour cette éveillée, ses recherches tombaient à l'eau, elle ne représentait plus que l'infini rien, ce rien qui entoure la vie mais dont les vivants peinent à reconnaître. Ce rien hors du temps, dans lequel elle était plongée. Sa vue était obscurcie, ses sens inexistants et elle était même ignorée des fantômes. Ses cris étaient inaudibles même pour la gardienne du passage qui restait impassible devant la herse de la crypte. C'était donc sa sanction pour avoir rejoint l'ombre et tenté de rechercher des informations sur les origines du grand remplacement ?

Elle abandonna alors ses espoirs se laissant entraîner peu à peu dans une dépression. Elle, qui n'avait trouvé ni le repos ni la joie d'exister. Les lunes passèrent... Enfin sans doute. Puis, elle ressentit comme d'habitude cette ombre qu'elle ne pouvait apercevoir, seulement... A la différence des autres fois, elle se mit à parler d'une voix lugubre.

- "Que vais-je bien faire de toi?" - disait-elle avec une lassitude certaine.

- "Mais qui êtes-vous ?! Montrez-vous ?!" - s'exclama la jeune femme à la fois inquiète et rassurée de pouvoir parler avec quelqu'un. Elle comprit qu'elle n'était donc pas seule.

- "Je suis la Mort... Et je me demande toujours ce que je vais bien faire de toi." Rétorqua l'ombre maintenant présentée.

Un bref silence s'installa, mais trop attachée à cette récente discussion, l'humaine ajouta : " Je cherchais à découvrir le passé pour mieux comprendre ce que j'étais... C'est dire..."

Elle sous-entendait depuis qu'elle avait atterri, bien malgré elle, dans cette crypte suite à l'attaque des gardiens de lumière, elle était incapable de dire à cette entité ce qu'elle représentait et ce qu'elle avait comme projet en tête. Que ce soit dans la vie ou maintenant dans la mort, elle n'était toujours pas décidée.

La Mort continua son explication en précisant : "Un de mes sujets a emporté ton corps dans un endroit qui pourrait te garder pour l'éternité. Et ici... Tu ne découvriras pas grand chose..."

Stupéfaite de cette nouvelle, elle comprit pourquoi elle était incapable de revenir à la vie. On lui avait volé son corps ! Mais pour quelle raison ?! Qu'est-ce qui amenait ce sujet à voler la dépouille d'une simple éveillée ? Tant de questions...

La jeune âme éthérée n'avait eu le temps que d'émettre un "Oh!" d'étonnement que la Mort poursuivit son explication : " Tu te retrouves face à trois possibilités... L'un des choix est que rien ne change. Ton corps restera là où il est... Jusqu'à ce qu'il disparaisse dans le temps et une âme hantée restera à jamais dans cette crypte. L'autre possibilité est de rentrer dans mon domaine, tu disparaîtras et tu ne reviendras plus jamais... Pas avant de revenir par voie naturelle. Puis la troisième condition est de te battre pour retrouver ton corps, mais cela impose une condition... Celle de servir la maîtresse de l'Ombre sans jamais la trahir."

L'éveillée était donc face à un dilemme, celui d'être plongée dans l'infini oubli, l'autre de perdre tout espoir d'être quelque chose et enfin, celui d'avoir la liberté de servir la maîtresse de l'Ombre. Le choix ne fut pas difficile pour l'humaine éthérée. Elle qui avait commencé à rejoindre les rangs de l'Ombre, apprenant les bases des pouvoirs du Vide et approchant dangereusement les forces du mal les plus puissantes de ce monde des vivants. Ainsi, elle exclama :

"Sans l'ombre d'aucun doute, je vais servir la Maîtresse des Ombres. A quoi bon choisir le contraire ? Moi qui avait déjà initié le chemin sinueux des ombres de mon vivant. Que dois-je faire ?"

La Mort précisa alors : "Tu vas chercher en esprit, l'esprit de celui qui a pris ton corps pour que tu le persuades de revenir dans ton corps. Mais il aura besoin d'aide... Une fois dans ton corps, va à la rencontre de la Maîtresse des Ombres ! Mais ne tarde pas ... ! Bien que ton corps est bien mieux conservé qu'il ne l'aurait été initialement, si tu ne cherches pas à entrer en contact avec cet esprit, ton corps dépérira et tu deviendras une goule."

Il n'était pas nécessaire pour la jeune femme de demander ce que c'était une goule... La remarque de la mort suffisait à elle-même pour comprendre qu'il s'agissait d'une entité horrible et difforme. Il fallait donc aller vite. Elle alla donc à la rencontre de la gardienne des résurrections qui se situait plus profondément dans la sinistre crypte. Elle saura expliquer avec plus de précision ce qu'il fallait faire.

C'est ainsi que la rencontre entre la Mort et l'éveilée s’acheva. Enfin pas tout à fait, elle finissait par donner son nom qui était Tanat... Puis, elle donna celui de l'humaine: "Ton prénom est Mathilda !". "Oh! Celui de l'ancien monde ?" rétorqua Mathilda dorénavant ainsi nommée. "Oui." Précisa Tanat qui disparut aussitôt.

C'est dans une atmosphère fétide et glaciale que la dépouille de Mathilda repose, délicatement posée dans un cercueil se trouvant l'aile givrée de Achérus. Son corps était dur comme la pierre et sa peau devenue grisâtre. Damoclès, bien qu'occupé par ses activités au sud, n'hésitait pas à rendre visite à son butin. Il faut dire qu'il était si rare pour lui de trouver un cadavre très bien conservé.

Chose encore plus troublante, c'était l'aura que Mathilda pouvait dégager de sa mort ainsi que des objets qu'il avait pu trouver dans sa sacoche. Il sentait en elle des résidus de sombre magie, une magie qui était différente de l'art impie qu'il commençait à apprendre. C'était autre chose de plus opaque, de plus profond... Puis, dans sa sacoche, il trouva des pouvoirs de l'ombre en grande quantité. C'était sans compter un livre sur les rituels des prêtres de l'Ombre. Damoclès était donc persuadé qu'il avait affaire à une jeune éveillée ayant prêtée allégeance aux sombres magies.

Il s'était décidé de la ramener à "la vie" et d'en faire une alliée dans l'accomplissement de ses futurs projets. Incapable d'effectuer des réanimations, il alla se renseigner auprès de Sithyne sur la démarche à suivre pour entrer en contact avec Mathilda qui, sans doute, doit se démener de faire la même chose depuis la crypte.

Damoclès continua, lune après lune, sa quête. Il avait d'ailleurs pour habitude de ne pas revenir sur ses paroles. Il était décidé à ramener cette éveillée à la vie, d'une manière ou d'une autre, conventionnelle ou non. Ses recherches l'amenèrent à rechercher le prénom de cette personne. Difficile tâche, lui qui n'avait que pour seul indice une dépouille encore en état de conservation acceptable, ses affaires et ses vêtements.

Après de multiples aventures, il se rattacha auprès du village d'Evilgil pour ramener cette femme, à la condition de dénicher son prénom... Une nouvelle tâche urgente qui l'attendait. Il commença par demander à la Faucheuse qui refusa, en toute logique, de répondre à ses sollicitations. Puis se rapprocha du personnel de la Tour, lui aussi incapable de connaître l'identité de cette éveillée. Il essaya donc avec Sithyne, auprès des fantômes arpentant les lieux de l'ombre. Il finit enfin par obtenir le Graal en la personne d'Alliance. Cette fantôme ayant un lien spirituel avec le monde des esprits morts. En échange d'une touffe de cheveux, la fantôme obnubilée par son miroir, identifia l'éveillée dans les nymphes. Elle s'appelait Mathilda Von Richtoff.

Damoclès remercia Sithyne et Alliance puis partit en direction d'Evilgil afin d'informer la nouvelle pour procéder au rituel.