Racines

<< Loa, loa : Y z'ont que ce mot-là à la bouche, comme si on devait tous savoir ce que c’est. Je sais pas comment y font eux pour savoir tant de choses, mais moi, j’ai la tête toute vide.  Limiia m’en a parlé. Elle, elle s’intéresse à ça. Moi, je m’en balance de leur loa. Mais je dirai rien sinon, je sens que les autres, Xzuraan et Chicaneuh, y vont pas être contents. >>

Ainsi pensait Yoka en marchant vers les ruines du nord et en repensant à la conversation qu’elle venait d’avoir avec deux mâles de sa race et une femelle qui se disait loa de la mère. La mère de qui ? Elle ne l’avait pas dit. Non ! La mer, l’océan. Décidément, le langage n’était pas quelque chose de familier pour Yoka.

Quoiqu’il en soit, elle se sentait bien avec eux. Sans doute l’instinct raciale la poussait à être attirée par un (ou deux) éventuel partenaire sexuel – est-il possible de vivre éternellement seule sans y penser ? Ils passèrent la soirée à chercher une pierre gravée et un œuf.

En haut de la grande tour du village de la jungle où elle pensait que l’œuf aurait pu se réfugier, elle s’endormit ce soir-là avec d’étranges idées dans la tête dont il vaut mieux ne pas parler. Elle, elle était contente et elle se dit que Limiia devrait partager sa joie.

Yoka'nin vivait sa petite vie. Une partie était consacrée à son développement personnel et l'autre à surveiller le nouveau village de la tribu. Mais elle se sentait seule. Le village était désert. Autrefois, il était rempli de gorilles aussi stupides que nombreux mais maintenant, le village était stupidement vide. Pourtant, un troll tout bleu, avec un crête rouge avait ordonné que les gorilles en soient chassés. Il avait commencé aussi à ordonner les choses. Il avait fait venir quelques amis, tous des mâles et Yoka attendait depuis que quelque chose se passe. Son amie Limiia, la cornu des iles du nord, lui avait parlé de ce que Zenza lui avait dit. Malgré leur belles paroles, ses frères de races ne valaient pas mieux que les limaces qu’elle tentait d’éviter sur le chemin, après la pluie.

Depuis qu’elle avait rencontré Crok, dans la jungle, Yoka n’était plus tout à fait la même. Elle avat même accepté de quitter sa jungle – provisoirement – pour le suivre dans des contrées lointaines, là où peut-être que les ancêtres de Crok ont marché et connu d’autres loas. Il était plusieurs fois déjà resté avec elle la nuit, dans la jungle. Ces nuits-là, Ils avaient peu dormi, jouant à des jeux que Yoka aimait bien mais qu’elle n’aurait jamais pu jouer avec d’autres, même avec Limiia.

Puis une chose était arrivée. Alors qu’ils étaient parti explorer seuls des terres inconnues pendant que les autres étaient restés dans un village elfe pour parler de choses sans intérêt, ils découvrirent un ancien temple-village troll. C’était une région très boisée, comme beaucoup, mais ici, c’était différent. Dans le temple, Crok eut des flash-souvenirs et évoqua un loa qui s’appelait Shadra. Le premier jour, après une longue discussion sur l’histoire des peuples trolls, le loa fit la promesse qu’il pouvait leur redonner leurs passés. En fait, Shadra s’adressait surtout à Yoka’nin car elle semblait très liée à la cité interdite de la jungle, celle que tous deux voulaient ouvrir pour en percer le mystère. Crok ne semblait pas très motivé à retrouver ses souvenirs. Moins que Yoka qui, quant à elle, voulait y réfléchir. Ce n’était pas simple. Les souvenirs font souvent plus de mal que de bien. Quand elle demanda à Crok ce qu’il en pensait, il lui répondit : « Toi d’abord ». La nuit serait nécessaire pour prendre une décision. Ils allèrent donc s’endormir dans un petit coin au pieds des murs de la cité déserte.

Le lendemain, Yoka était avait pris sa décision : Elle avait besoin de ses souvenirs pour elle et pour lui. Ils retournèrent alors voir Shadra la venimeuse pour lui faire part de cette décision. Yoka descendit les marche vers la loa qui s’approcha lentement d’elle. Quand elles furent suffisamment proches, Sahdra plongea un dard empoisonné dans l’épaule gauche de Yoka. La douleur était atroce et a trolle perdit connaissance. Shadra repartit vers les profondeurs de son antre pendant que Crok prit se précipita vers Yoka pour la ramener vers leur nid où il la soigna et la veilla toute la nuit.

Le lendemain matin, les souvenirs étaient là, diffus, éparpillés, chaotiques. Yoka comprit qu’il ne serait pas si simple et qu’elle devrait faire du tri. Mais Crok aussi était là et cela lui permit de ne pas devenir folle. Elle mit un peu d’ordre dans son esprit en répondant aux quelques questions que crok, curieux, lui posa. Il s repartirent rejoindre les autres.

* * *

Après des paysages pleins de couleurs et de lumière dorée rouge et verte, elle suivit Crok et ses amis dans des terres bien plus sombres. Une île visiblement occupée autrefois par des elfes de la nuit. Là, il y avait une sorte de bassin rempli d’une eau diffusant une lumière bleutée. Il y en avait même deux. Les souvenirs de Yoka, toujours chaotiques, étaient bien présents et cette eau lui rappela les légendes de ses ancêtres. L’eau des elfes. Les elfes noirs, comme les appelait une voix dont elle avait encore du mal à trouver l’identité. Les elfes étaient à l’origine des malheurs de sont peuple et mettre le pieds dans cette eau mauvaises, comme le lui demandaient les amis de Crok, c’était hors de question. Il fallait faire la part entre le présent et le passé. Les choses étaient trop confuses et ce n’était pas les cris impatient de Miracle qui pouvait l’aider à cela. Quant à Brave et les autres, depuis le début, ils n’avaient montré aucun intérêt pour elle, allant jusqu’à pratiquement ignorer sa présence. Elle fit de même. Comment faire comprendre à des gens qui semblaient ne s’intéresser qu’à eux-mêmes et un métal censé leur donner de grands pouvoirs qu’une personne se noyait dans des souvenirs d’une vie qui ne semblait même plus la sienne ?

Quand Crok décida de choisir de les suivre plutôt que de rester avec elle pour l’aider, Yoka ressentit un déchirement terrible au fond d’elle-même. Pourtant, quelque chose lui disait qu’elle devait avoir confiance en lui et elle attendit patiemment son retour.

Préambule:

Trolle de la jungle qui n’a pas vraiment envie d’en sortir.
Amie de Limiia
Amante de Croc (ou Cwoc)

Les mystères de la jungle sont sans doute les plus difficiles à percer. Surtout quand on n’a plus que soi-même et son propre esprit pour les explorer. Croc était souvent absent, ce qui n’arrangerait rien. Il aimait bien s’accoquiner avec les "stupides humains", ce que Yoka n’aimait pas trop. Mais, au moins, il était troll, malgré tout, et Yoka le trouvait trop beau, avec ses belles dents saillantes et ses bras tout mou. Et quand il se redressait sur ses pattes arrières, il était presque aussi grand qu’elle.

Sinon, la jungle était passionnante. Il y avait partout des traces de ses ancêtres et, comme elle savait lire le troll, elle apprenait vite comment ceux-ci vivaient et comprenaient le monde. En vérité, ce n’était pas aussi lointain que certains le prétendent, y compris Croc. Mais peu importe ! L’important était de pouvoir se construire un avenir et, pour Yoka, il était évident que celui-ci était dans la jungle, celle-ci ou une autre.

Elle surveillait de très près une chose : Son ventre. Elle avait remarqué que, chez les mammifères, les femelles portaient leurs enfants dans leur ventre et que celui-ci grossissait quand elles allaient en avoir. Comme elle était un mammifère femelle elle aussi et qu’elle avait un mâle avec qui elle avait parfois des rapport très pénétrants, elle se surprenait à rêver de mettre bas un petit pour honoré les loas et perpétuer la race.

Mais pour le moment, rien n’apparaissait.