Une langue si élémentaire

Fumée avait eu déjà quelques complications lors de ses interactions avec les élémentaires. Les gardes d'Irmansuul qui l'avaient brûlée sur un quiproquo, le discours du seigneur de l'eau dont elle n'avait rien compris, et le rituel qu'elle avait tant préparé avait abouti sur un dialogue auquel elle n'a presque pas pu participer. Et sa phrase apprise fièrement juste avant ne lui servait pas plus pour comprendre.
Tout simplement parce que la quasi-totalité des élémentaires ne parlaient que leur langue à eux, même s'ils comprenaient celle des éveillés. Frouff et Krack étaient des exceptions et elle l'avait bien compris.
Elle était donc décidée.
Fumée apprendrait à parler aux éléments.
Elle s'était rapidement attachée aux éléments quelque part, elle appréciait cette notion d'équilibre que devaient maintenir les parlesprits, et elle voulait aider à cela, sincèrement.
Elle méditait parfois en priant pour les éléments des lieux où elle se trouvait.
Mais elle devait jouer un rôle plus actif, et afin de vraiment entendre et comprendre l'appel des éléments... Elle devait apprendre cette étrange langue. Ou bien réapprendre, à la manière de ses pouvoirs qu'elle avait eu l'impression de retrouver tant étaient-ils venus naturellement ?
Après tout n'était-elle pas une parlesprits comme le nom l'indique ?

Fumée se tourna naturellement vers Nuktela, sa mentor parlesprits qui parlait si naturellement la langue des esprits.
Ce ne serait pas aisé, mais Nuktela était têtue et persévérante, et Fumée aussi. Cela prendrait le temps que cela prendrait, mais ça finirait par rentrer !
Après tout elles avaient souvent du temps pour elles, dans la maison commune de la forêt verte, ou ailleurs.
Contrairement à la langue des éveillés, le parlesprits était une langue qui ne se basait pas sur des sons faciles à faire avec une bouche normale.
Non, comme Nuktela lui avait enseigné, les sons étaient ceux des éléments.
Les pierres qui roulent, la terre qui gronde, le feu qui crépite, le ruissellement de l'eau ou bien le souffle du vent.
Ces sons imitant les éléments étaient tout ce qui constituait leur langue.
Tantôt gutturale, tantôt légère et aérienne... Elle variait beaucoup.
Néanmoins même si tout était à apprendre, c'était une langue simple.
Les élémentaires ne se souciaient pas autant des détails que les éveillés. Ils voyaient les choses du point de vue des éléments. Un seul mot pouvait signifier de nombreuses choses, et il n'y avait pas de mots savants pour désigner par exemple les détails du visage ou bien le type d'outil dont il s'agit : Il est de bois ou de pierre, c'est ce qui importe.
Toutes les futilités des mortels n'ayant aucun intérêt pour eux, les mots sont donc d'avantage "passe-partout" et le vocabulaire bien plus réduit, plus primaire.
Néanmoins les élémentaires ont aussi des notions parfois propre à eux difficiles à assimiler pour les mortels.
Mais Fumée commençait peu à peu à comprendre leur manière de penser, leurs instincts même.
Ce qu'elle avait pris pour une soif de domination au début, avec pour exemple la constante guerre du feu contre l'eau, n'en était pas une.
Les élémentaires étaient primitifs, mais pas au sens animal, en un sens qui leur était propre.
Ils étaient opposés à leur semblables et devaient toujours se battre pour amener leur élément à exister, à être présent.
De la même manière que les animaux parfois en dévorent d'autres, mais sans que ça soit par haine.
La nuance était subtile, car les élémentaires avaient aussi des émotions et des désirs, ils pouvaient être intéressés, de la même manière que les mortels.
Tout cela, au final ne faisait qu'un tout : Elle devait apprendre à mieux comprendre les éléments, afin de maîtriser pleinement leur langue.

Et elle en avait bien l'intention.

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