Ondines du lac (les)

Il y a sept fées vivant près d’un lac. En fait, non ! Dans le lac. Mais elles en sortent souvent car elles aiment aussi l’air libre et la terre ferme. L’aînée s’appelle Ashadoriel. C’est sans aucun doute la plus sage et sa principale préoccupation est sa savoir ce où est et ce que fait la plus jeune, Nalashiel. Entre la première née et le dernière née, il y a donc, dans l’ordre : Kalashiel, la deuxième ; Telashiel, la troisième ; Surfashi, la quatre ; Ashiel, la cinq ; Ashanaziel, la six. Chacune d’entre-elles a une spécialité.

Ashadoriel étudie le pouvoir des plantes ; Kalashiel lit les étoiles dans la nuit ; Telashiel scrute la roche ; Surfashi parle des heures durant à tous les êtres visibles et invisibles ; Ashiel se plonge dans l’infiniment petit qui est en toute chose, Ashanaziel cherche dans l’eau quelques traces de la mémoire du monde... Quant à Nalashiel, elle est si vive et si curieuse qu’elle veut tout connaître, tout savoir... Et, surtout, tout pouvoir.

Nalashiel est surtout très capricieuse, comme une petite reine. Pourtant, elle est loin d’en être une. Elle passe son temps à courir nue dans l’herbe ou à nager dans l’eau, à filer au vent ou s’offrir au soleil sans aucune pudeur. Ses parents adoptifs le lui reprochent souvent. « Un jour, tu va attraper le mal à faire ainsi » lui disent-ils, et elle finit toujours par céder et s’habiller. Mais à conditions de ne plus rien lui refuser ensuite.

Et ce qui doit arriver arrive. Un voyageur passe par là. C’est un humain, très jeune et très beau. Il est monté sur un cheval et il impressionne si fort Nalashiel qu’elle le suit de loin pour savoir où il va. Comme ça route semble s’éloigner de la région, elle utilise sa magie pour détourner la rivière et forcer le chevalier à revenir sur ces pas, dans le village où ses sœurs aiment passer leur journée. Leurs journées, oui, mais pas leurs nuits. Et quand le chevalier arriva au village, il faisait nuit.

Le village est donc vide. Mais pas complètement. Nalashiel le guette depuis le balcon de la maison de l’ouest. Et au moment où il passe dessous, elle l’interpelle de la sorte : « Qui est donc ce beau chevalier qui passe ainsi sous mon balcon ? Cherche-t-il quelque aventure ? » Le chevalier lève le nez vers le balcon en cherchant des yeux à qui peut bien appartenir cette si charmante voix. Ne voyant rien, il répond : « Qui me parle ainsi ? Je ne vous vois pas et je ne doute que qu'une si charmante voix doit appartenir à une bien belle personne. »

L’ondine se montre enfin dans un rayon d’Elune. Cette fois, elle est habillée d’une étoffe plutôt légère, mais respectueuse des convenances en cachant l’essentiel. Le chevalier reste sans voix devant tant de beauté et de grâce. Même le cheval baisse la tête sans doute en signe de respect. « On dirait que tu es prisonnier des eaux et que tu devras passer la nuit dans ce village » dit l’ondine. « Si c’est en votre compagnie, douce dame, ce ne sera pas une prison, mais un séjour paradisiaque » répondit le chevalier.

Je ne vous raconterai pas tous les détails de cette aventure plutôt banal d’une nuit entre un chevalier charmant et une jeune ondine sans inhibition. Par contre, ce qui se passera le lendemain est bien plus intéressant. Donc, le lendemain, les parents de Nalashiel devinent qu’il s’est passé quelque chose d’anormal d’une part, parce qu’elle la fille n’est pas rentrée de la nuit et, d’autre part, parce que le brillant de ses yeux et sa façon de chantonner en faisant tout et n’importe quoi leur pose question. « Notre fille est inhabituellement heureuse et obéissante, aujourd’hui » dit la mère. « Nous allons lui parler » dit le père.

« Mon enfant, tu sembles bien guillerette ce matin. Aurais-tu rencontrer une source de joie extraordinaire qui provoque tant de joie ? » demande le père. Avec un large sourire, Nalashiel répond : « J’ai rencontrer une chose merveilleuse, père. J’ai rencontré l’amour. » ... Le parents se regardent un long moment, se demandant s’ils ont bien entendu. « L’amour? » « Oui, un beau chevalier qui s’est retrouvé malencontreusement coincé au village et qui a du donc y passé la nuit. Je n’allais le laisser tout seul, à la merci des caprices de mes sœurs » répond l’ondine.

Ce soir là est un soir ressemblant fort à une catastrophe naturelle, pire qu’un ouragan ou un tremblement de terre. Non seulement les parents apprennent que leur fille unique à des sœurs, mais en plus elle a un amant. Et d’après la description que Nalashiel en fit, il ne ressemblait pas du tout à un elfe de la nuit, comme tout le monde dans la région, mais à un... autre truc. La mère est en larme et le père en colère. Ce dernier dit des choses qu’il regrettera probablement par la suite mais qui provoquent une grande douleur dans le petit cœur de leur fille. Celle-ci s’enfuit en leur criant qu’ils ne la reverront jamais plus.

Les eaux se sont retirées et le chevalier, aussi. Quand elle arrive au village, les sœurs de Nalashiel lui expliquent qu’elles ont vu un étrange cavalier s’enfuir à leur vue en leur criant de dire à son ange de la nuit qu’il est désolé, qu’il doit absolument profiter de la marée basse, qu’il a une mission importante à remplir pour l’Alliance et qu’il ne sait pas quand il pourra revenir, mais qu’il reviendra, promis, juré !

Depuis, Nalashiel est moins vivace, moins joyeuse et encore plus capricieuse. Elle passe tout son temps au bord du lac à parler aux petites vagues qui se jettent sur le bord, les questionnant de savoir si elle vont déposer le chevalier sur la berge à la prochaine. Les ondines ont une forte tendance à s’attacher à leur chevalier. En attendant, les parents ont leurs cœurs lourds car l’être qui avait égayé leur vie depuis tant de temps ne revenait plus.

Si vous voulez que cette histoire continue, si vous voulez que Nalashiel retrouve son chevalier et le sourire, si vous souhaitez qu'elle devienne moins insouciante, qu'elle découvre la sagesse ou qu'elle disparaisse à jamais, si vous imaginez une autre fin à cette étrange aventure, sachez que les fées et les sœurs rieuses ont le moyen de vous transporter vers cette ondine et ses sœurs. Pour cela, il suffit de vous rendre à la veillée des héros en le voulant très fort.