Mémoire d'un futur possible... ou pas

Chêne était mort maintenant. Le retour à pied vers la forêt verte avait été long et pénible mais il lui avait remémoré qu’elle n’était elle-même pas très vivante. Elle ressentait les mêmes émotions et les mêmes sensations de douleur ou de plaisir que les autres mais son corps ne lui appartenait plus vraiment. « J’habite un corps volé au Rêve. N’ai-je pas trahi ma foi en acceptant de revenir ? L’amour de quelques amis m’a poussée à accepter : Feuyice, Papillon, Hazel, Epine... et d’autres. "Le monde a besoin d’une Emiade" avait dit Hazel... Mais pourquoi ? » Ainsi pensait Neige-Emiade tout en marchant le long de la route du bois sombre.

Arrivée au village, elle ne parla à personne de sa mésaventure et justifia la disparition de Chêne auprès de Feuyice par son désir tout naturel de perpétuer son espèce. La vie suivait son cours. Les prières, les rencontres, les questionnements qui ne trouvent pas de réponse et les réponses qui soulèvent de nouvelles questions. Celle qui préoccupait le plus son esprit était cette impression que quelque chose, pourtant à portée de main, lui échappait. Quelque chose qui était liée à son séjour au royaume des morts qu’elle aurait vu sans le voir. Il fallait des réponses et une seule créature était capable de lui en donner : Ishmii.

HRP:

Lettre à Feuyice.

Emiade a écrit:

Feuyice,

Sache que je t’aime de ton mon cœur. Je suis persuadée que quelque chose de profond nous unit et je crois que, à ta façon, tu t’en doute aussi. Pourtant, je dois partir en un lieu où je ne veux pas que tu me rejoignes. Je veux que tu profites au maximum de ta vie qui, je le sais, est encore très jeune. Tu vivras très longtemps.

Maintenant, Neige a terminé sa vie ici mais Emiade continue la sienne dans l’au-delà. Ne doute jamais que je sois toujours près de toi et si tu veux me parler, tu n’auras qu’à aller au sanctuaire et simplement prier. Je te répondrai toujours. Ce sera à toi de découvrir ce qui nous liait et, c’est sans doute le seule regret que j’ai, tu devras le faire sans moi.

Ne soit pas triste car, moi, je suis heureuse. Ne pleure pas ou tu briserais ce bonheur. Vit une belle vie et ne doute jamais de mon amour pour tout.

Nous nous reverrons, un jour.

Neige.

Il existe des êtres fantastiques dans l’au-delà. Il fallait les trouver pour accomplir cette mission. Depuis son nouveau sanctuaire, Emiade priait en tremblant. La solitude de ces lieux lui pesait tellement que le doute s’emparait d’elle. Il fallait le combattre mais c’était si difficile ! Elle pensait à Feuyice. Elle y pensa tellement fort que Feuyice en rêva. Ainsi parvint-elle recréer une communication avec celle qui avait accompagné sa vie chez les mortels.

Il s’agissait d’anges un peu particuliers. Ceux-ci avaient la capacité de faire revenir des fantômes à la vie. Pas comme les éveillés, et encore moins comme les morts-vivants, non. Ces anges-là faisaient revenir des morts à la vie, la vraie vie et, depuis qu’elle avait vraiment compris qui elle avait été autrefois, dans l’ancien monde, Emiade avait envie de voir revenir à la vie beaucoup de gens. Encore fallait-il savoir leurs noms car, même si des images lui revenaient, elles étaient souvent dans un tel désordre qu’elle ne parvenait pas à distinguer leurs identités.

Il y avait surtout un homme, un grand homme. Non pas grand par la taille, mais par la personnalité. Il était souvent assis sur un siège magnifique avec des lions sculptés de chaque côté et sur lesquelles il reposait ses bras. Il y avait aussi un autre homme, dans une étrange cité au centre de laquelle brillait un naaru. Il y avait aussi un mort-vivant, ce qui étonnait beaucoup Emiade. Elle le voyait dans un pays très froid, marchant sur une grande étendue de glace vers un temple qui lui gelait le sang.

La prêtresse de la Lumière priait de toutes ses forces pour retrouver les âmes de tous ces gens. Ne pas les trouver aurait pu la rassurer car, sans doute, c’est qu’ils auront trouvé le repos. Mais comment en être sûre ? Il y avait tant d’âmes tourmentées qui erraient dans les couloirs de l’entre-monde qu’il était difficile d’entendre leurs voix et de les reconnaître. Pourtant, là était sa nouvelle mission.

Les lignes qui suivent peuvent avoir été entendues par des esprits proches des hautes sphères des univers divins. Lumière, nature, Ombre, loas, peu importe, ceux qui ont suffisamment développé leur relation avec ces dieux peuvent ressentir leur contenu. Voici donc, ce que certains ont entendus et ont pu rapporter, même partiellement :

Dialogue a écrit:

Une voix dans ma tête (V)- Je sais ce que tu fais.

Emiade (E) - Qui es-tu ? Et que sais-tu de ce que je fais ?

V - Ne devines-tu pas qui je suis ? Qui peut donc s'adresser à toi dans ce monde de mort ?

E - Un mort qui voudrait vivre... Ou un vivant qui voudrait ne pas mourir ?

V - Ou peut-être la mort elle-même ?

E - Peut-être... Mais si tu es la mort elle-même, tu vas probablement me dissuader de continuer à faire ce que je fais ?

V - Si j'étais de vie, je dirais que ce n'est pas l'envie qui me manque de t'en empêcher, oui... Mais je ne suis pas de vie. Je n’ai pas d’envie. Je n’ai que des devoirs et j’ai reçu des directives. Je suis juste venue t'aider.

E - M'aider ? Voilà qui est inattendu... Et qui te donne des directives ?

V - Cela, je ne te le dirais pas. En fait, je suis venue pour que tu diriges tes pensées vers un coin de terre qui semble intéresser beaucoup les mortels depuis quelques temps.

E - Quel coin de terre ?

V - Une région qu'on appelait, il n'y a pas si longtemps, "Hautebrande". Et, plus particulièrement, un petit port qui s'appelait Austrivage. Je ne sais si ces noms te disent quelque chose, mais je peux te montrer.

E - Alors montre-moi !

Des images et une impression de localisation sur les lieux évoqués apparaissent à l’esprit d’Emiade. La mer, le petit port conduisant à des maisons dont l’architecture font penser à la forêt verte ; de l’herbe, des arbres, une église...

Dialogue a écrit:

E - Ces images me semblent familières. J'ai connu ces lieux, sans doute autrefois, quand le monde était encore si agité que nous rêvions tous de le voir s'arrêter, le temps d’un repos mérité. Maintenant qu'il l'est, la solitude est le sentiment qui règne dans tous les cœurs, je crois.

V - Alors fais ce que tu as à faire. Donne-leur moins de solitude.

Un silence de mort suit ce dialogue.

« Les petits chefs sont faciles à trouver. Je comprends parfaitement leurs désirs de vivre et je leur réponds toujours, quand cela est possible. Mais ceux qui avaient les plus grandes aspirations dans la lutes pour le bien, les rois, les meneurs les plus influents, ceux-là semblent vouloir fuir ou se cacher dans les ombres du néant... Je n’arrive pas à le trouver... »

Comment faire quand on ne peut pas sortir des souterrains du monde ? Neige avait son idée : Les "petits chefs" avec lesquels elle parvenait à entrer en contact pourraient sans doute la mener vers les plus grands, s’ils étaient assez nombreux pour les appeler avec elle. C’était là son espoir. Mais il faudra probablement que les éveillés s’y mettent aussi et l’aident. Pour le moment, ils semblaient l’ignorer complètement. Ces plus fidèles amis semblaient accablés par le poids de leur déception. Quant aux autres, impossible de les toucher. Ils avaient déserté.

HRP:

« Ton domaine est celui des âmes entre vie et mort. Le mien est celui des choses du rêves. Je ne sais pas comment faire revenir ceux que tu protèges et tu n’as plus aucun pouvoir sur le monde matériel. Ensemble, nous pouvons former une alliance qui permettrait un renouveau de ce monde. Nous ne le voulons pas comme l’ancien. Nous le voulons autrement. Nous le voulons plus beau et plus grand, avec moins de luttes fratricides et plus de projets pour un avenir où les enfants pourraient avoir leurs mots à dire. Et les indigents. Et les idéalistes, les utopistes, les rêveurs. Je suis heureuse que nous soyons parvenues à nous comprendre. C’est certainement le volonté du Maître. »

Ainsi s’était conclue la dernière communication entre Emiade et Manon. Auparavant, c’était Emiade qui avait parlé à Manon pour lui demander des renseignements sur ce que disent les livres des héros du passé. Emiade avait senti quelques hésitations dans les réponses de Manon. Peut-être aurait-elle dû s’adresser à Rune mais, elle ne connaissait que très peu cette autre fille de la Tour. Emiade n’avait jamais eu aucune raison de la détester et, par conséquent, de l’aimer. C’était pourtant la solution car Manon, avant de s’endormir et partir dans un autre de ses interminables rêves, avait ajouté : « Je ne sais que peu de chose sur le passé. Demande à Rune, elle en sait bien plus que moi. »

Peut-être était-ce aussi la volonté de la Lumière ?

« Les éveillés ne semblent faire preuve d'imagination que pour une seule chose : La fabrication d'armes et d'armures. Mais pour ce qui est de s'en servir, il semble qu'ils soient très vite à court d'idées. » C'est ce que se disait Emiade qui, pour leur faire comprendre qu'il existe une cause pour laquelle ils devraient tous se battre et utiliser leur intelligence, devait faire des efforts surhumains pour apparaître devant eux et les diriger elle-même vers la solution. Malgré cela, ils pinaillaient encore, indécis, perdus.

Il faudra compter sur Feuyice : Elle lui servira de porte-paroles.

Préambule a écrit:

Le temps est venu de faire le point et de peut-être aussi faire le tri. Toutefois, certaines choses ne seront pas dites car le mystère est - ou devrait être - ce qui fait tourner le monde d'Imagina.

Emiade est sans doute un des personnage les plus important du monde nouveau des éveillés. Sa foi en la Lumière l'a propulsée dès les prémices vers les sommets de l’autorité religieuse de la Lumière lui permettant de participer de façon significative à de nombreux exploits tels que la libération de la ville de Hurlevent et le retour de l'archevêque Benedictus. Devenue intendante de la cathédrale et porte parole de l’Église e Lumière, elle pourrait s'estimer être la femme la plus heureuse d'Azeroth. Pourtant, une chose la tourmentait encore, une chose qu'elle n'avait pas encore réussi et qui ne semblait la préoccuper qu'elle seule : Le retour du Roi. Elle avait espéré qu'en libérant le palais royal ce projet aurait pu devenir accessible mais il n'en fut rien. L'esprit du Roi ne s'y trouvait pas. Les créatures du vide s'étaient moquées des libérateurs en criant bien fort qu'ils ne le retrouveraient jamais. Le pire, pour Emiade, n'était pas que le Roi soit prisonnier du Vide, mais que tout le monde semblait s'en moquer. Les éveillés avaient d'autres préoccupations que rechercher un Roi qui, pour la plupart, n'en était plus un. Ces choses tourmentaient la prêtresse et semèrent le doute dans son cœur. Aussi, avec le bénédiction de l'archevêque et de ses amis prêtres et prêtresses les plus proches, elle décida de se retirer pour se consacrer à la méditation en solitaire dans sa maison, cachée dans la forêt d'Elwynn, là où personne ne pouvait la trouver hormis sa jeune demi-sœur, Feuyice. "L'Eglise est assez forte pour se passer de moi, désormais", c'était-elle dite.

Malgré son jeune âge, Emiade sentait le poids de ses responsabilités lui peser si fort qu’une forte envie de se retirer loin des tumultes lui était venue. Ou peut-être bien que c’était justement son jeune âge qui en était la cause. Benedictus, qui la connaissait bien, savait où étaient les limites de sa disciple, et c’est lui qui lui conseilla prendre le recul nécessaire pour retrouver suffisamment de sérénité et de paix dans son cœur avant d’imploser face à la perspective des tempêtes qui ne manqueront pas de venir. La prêtresse alla donc retrouver ses petits compagnons forestiers, les écureuils, pour calmer son empathie et reprendre quelques forces. Il fallait comprendre. Il fallait méditer pour ne pas s’égarer comme le font apparemment tous les autres sur des chemins qui rapprochaient inexorablement Azeroth de ce qu’il fut autrefois : un monde où l’orgueil et la colère dirigent toutes les actions autant des mortels que des dieux, puisse ces derniers ne sont que le reflet des rêves des premiers. « donnez la liberté à dix êtres doués d’intelligence et vous en verrez très vite neuf devenir les esclaves du dixième » lui avait dit un jour son maître. Jamais elle ne serait l’un des neufs, pas plus que le dixième. Elle voulait surtout n’être qu’elle-même, celle qui, autrefois, s’émerveillait devant la beauté des arbres, la grâce des oiseaux du ciel, la vivacité des écureuils et la symphonie de couleurs des couchers et levers du soleil des terres du sud. Quand on commence à perdre la capacité d’émerveillement et le sens poétique, c’est qu’il est temps de tout arrêter, elle le savait et elle le fit.

Elle confia donc à sa encore plus jeune demi-sœur la tâche de la tenir au courant des nouvelles d’en bas, en lui donna la possibilité de venir la voir aussi souvent qu’elle le souhaiterait. Elle souffla aussi à l’oreille d’Anetta et de Benedictus le nom de sa disciple, Sérénité, en qui elle avait placer toute sa confiance pour la remplacer.